jeudi 25 février 2010

La rivière


Bonjour,

Je vous invite à lire ce texte que j'ai trouvé sur le site antredudragon.com . Je le trouve magnifique. Il représente bien le quotidien avec un élève présentant des troubles comportementaux je trouve. Alors voilà.

La Rivière

L’eau se faufile partout, elle se trouve toujours un chemin pour continuer son aventure. On a beau construire des barrages et des digues, elle finira bien par trouver son chemin vers l’océan. Si l’on essaie de la contenir, elle cherchera la fissure et l’agrandira à petits pas ou dans un déchaînement prodigieux.

On peut l’apprivoiser, mais l'on ne peut la maîtriser complètement; la faire devenir ce qu’elle n’est pas ou ne veut pas être. L’eau a besoin d’un cadre pour se rendre à l’océan où elle atteindra sa pleine maturité, ce cadre est symbolisé par les ruisseaux, les rivières, les fleuves et l’océan lui même. Ce cadre lui sert à aller où elle sent qu’elle doit aller, à poursuivre son but, son épanouissement. La rivière n’empêche pas l’eau de couler, elle ne fait que lui montrer le chemin, elle lui indique la direction qu'ont pris avant elle bien des petites gouttes d'eau. Elle lui désigne le sentier le plus sûr pour l’empêcher de s’éloigner de son but. Si l’eau décide de quitter le lit de la rivière, elle risque de se retrouver dans un endroit où elle ne pourra atteindre son but d’épanouissement, elle deviendra stagnante. Lorsque cela lui arrive, elle lance un message, elle sent qu’on essaie de la diriger où l’on veut qu’elle aille et non, où elle veut aller.

L’enfant c’est pareil, son chemin c’est l’épanouissement. Il a besoin d’un cadre de vie pour y arriver. Ce cadre c’est le sentiment d’être aimé, d’être en sécurité, de pouvoir se nourrir, de pourvoir être reconnu, etc. Ce cadre, c’est également les consignes, les règles de vie, les valeurs sociales, ses parents, les adultes qu’il côtoie, et même toi son animateur/trice, son éducateur/trice. Sans “sa rivière” à lui, il risque de se ramasser dans un endroit où il ne pourra pas développer son plein potentiel.

Pour se rassurer et se sécuriser, il cherchera la fissure dans “sa rivière”, il testera la règle afin de savoir si celle-ci est valable et durable. Si elle l’est, son sentiment de sécurité sera renforcé, il continuera son chemin l’amenant à son but. Mais, s’il perçoit la règle fragile, il s’y infiltrera afin de voir jusqu’où il peut l’agrandir, la défier et il ressentira, l’espace d’un moment, un sentiment d’extrême pouvoir où rien ne peut lui résister. Mais, ce sentiment est très éphémère, car il est signe d’insécurité, il développe le sentiment d’abandon. Si cela se reproduit souvent, sa confiance en l’adulte sécurisant disparaîtra, il se sentira comme une proie fragile à la merci de tous et comme l’animal qui se sent traqué, il sortira ses crocs, prêt à mordre au moindre signe de danger. Pendant qu’il mettra toute son énergie à faire croire aux autres qu’il est dangereux, il s’égarera de son chemin, de son but.

Et comme on ne peut faire à la place de l’enfant, qu’il ne sert à rien de vouloir plus fort que lui, que la motivation au changement doit venir de façon intrinsèque (de l’intérieur de lui-même), notre but est donc de l’aider à se réconcilier avec sa rivière. Lui montrer qu’il y a des rivières qui ont perdu le sens de leur rôle mais qu’il y en a encore, et même beaucoup, qui sont prêtes à jouer leur rôle, malgré leurs petites fissures bien personnelles qu’ils prennent garde de laisser s’agrandir à la moindre crise perceptible.


Stéphane Vincelette, 1998

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